Elle parle Lili,
Et dans sa tête
Ses maux s'en font l'écho.
Elle peint Lili
Et l'âme de son pinceau
Transcende la couleur.
Bleu-nuit ses rêves en lambeaux
Cramoisi sa rage, ses cauchemars,
Noir-ténèbres sa douleur.
Elle rit Lili,
Haut et fort,
Face à ses détracteurs
Qui la jugent à tort.
Ramassis d'ahuris
Pour qui l'incompris
Est trompeur.
Elle pleure Lili,
Le cœur griffé d'amertume.
Avec l'indifférence, la solitude
Pour tout costume.
Elle gémit Lili,
Bannie de la Vie,
Prisonnière de sa folie,
Son amie, son ennemie.
Elle crie Lili,
Qu'on l'entende,
Qu'on l'écoute
Et ne se détourne
De sa route.
Elle n'a d'autres choix
Pour repriser maille à maille
Les accros de son cerveau
Que hurler comme les animaux.
Donner de la voix,
Avant qu'elle ne s'éraille
Et ne la condamne au bûcher
Où Jeanne périt.
Triste fatalité
Où s'éteignent tous les cris
De liberté.
* * *
Nostalgie du pays
Disparu ce coin de Castille,
Sacrifié au Dieu Modernité.
Disparues les fermes de Prado Viejo
Nichées dans la vallée de l’Ebro.
Disparu le fuselé des peupliers,
Les écrevisses au creux des briques,
Les têtards de la mare,
Et moi les pieds dans le ruisseau.
Disparue l’odeur du foin et du jasmin.
Effacé le chemin poussiéreux
Emprunté par les troupeaux.
Disparu le tintement des clochettes des béliers
De Paco, le vieux berger.
Son lourd bâton de marche calé dans la main,
Sur les talons, ses chiens.
Je le revois dans le soir tombant
Levant son sombrero, me saluant,
Sourire quelque peu édenté,
Visage buriné.
Disparus les bêlements, les aboiements
La complainte du Rio
Le tournoiement avec brio
Des capes rouge et or
Des toréadors.
Eteintes les braises de mi amor.
Disparu, défiguré ce coin de Rioja
Qui vit naître mes ancêtres.
Déferlantes de souvenirs,
Tsunami de nostalgie,
Signe du déclin de la vie.
Trouble miroir
Fantôme de la Vie,
Inconsistant et tragique,
J’ai croisé ton chemin de roses et d’épines.
Par les méandres ludiques de ton esprit,
J’ai côtoyé l’abîme de ton monde pathétique.
De la toile arachnéenne tissée aux affres
De ton âme torturée, j’ai pu m’extirper.
Mais où mènent tes errances
Que nul regret n’entrave ?
L’ENFANT LIVRE
Né d'amour de papier et d'encrier,
Je croîs sous la plume malhabile.
Des limbes de ta pensée, on m’expulse.
Passeur d’imaginaire.
Sur les ailes du Temps, je captive, transporte.
Entre passé et avenir, je chemine niant le présent.
Receleur de souvenirs dérobés,.
Orgueil de rêves évanescents et nostalgiques
Que l'irréel rend tenaces et tragiques.
Sur la trame immaculée se tissent les mots,
Chantent les couleurs.
De l’inspiration, je dévide l'écheveau,
Que tisse le stylo.
Je me pare de prose,
Arbore un style riche, lyrique ou tragique
Par les pleins et les déliés, se hument les ambiances.
Sur la lande ventée d'Emily Brontë,
Frissonne le promeneur passionné.
Avec panache et brio, de sa tirade impudente
Cyrano soufflète et pourfend le mécréant.
Sur le sable brûlant des arènes
Chères au cœur d'Hemingway,
Volète la cape de Manolète.
Au toucher, je procure des sensations satinées ou glacées.
A l'effeuillage, j'exhale l'odeur inviolée de ma virginité.
A moins que mes entrailles séculaires ne recèlent un subtil encens de grimoire.
Captiver, intriguer, ironiser,
Pérorer comme un vilain cabotin,
C'est là mon destin !
A la parole, j'ai dérobé l'auréole.
Traqué inlassablement par la rature vengeresse
Ma fragile existence reste précaire.
Echappant à mon créateur,
Ma liberté chèrement acquise,
A la devanture, j'attends l'âme sœur.
Hasard que par avance je bénis.
Je ne m'impose pas, je séduis !
Honni, vénéré, loué, critiqué,
J'ignore l'indifférence.
Manipuler l'esprit attise la fureur.
Des lauriers de la gloire, ma puissance fait frémir
Et me livre sans surseoir au bûcher de la haine.
J'inocule des plaisirs solitaires,
Façonne, suscite des vocations,
Provoque d'inoubliables rencontres.
Braver le grand Maître du Temps
Survivre au néant
Est ma volonté de papier.
Facétieux, j'obsède le lecteur impénitent,
Je mène à ma fantaisie ce jouet complaisant
Suspendu à ma prose, il perd son identité.
Héros aux multiples facettes,
D'aventures en aventures,
De bleus à l'âme, en indélébiles cicatrices,
Il oublie sa dignité, trépigne, triche,
Lorgnant vers la fin.
Bon joueur,
J'apaise sa transe de détective amateur.
Ses bâillements m'offensent,
Ses pleurs, ses rires me réjouissent
M'étioler dans une vitrine poussiéreuse,
Sur un rayonnage incertain,
Est mon humble destin.
La curiosité en alliée,
Me refait une beauté.
Et je renais au creux d'une main inculte,
Encore une naïve victime de mon pouvoir occulte !
Chant des troubadours
Il n’est plus de nuits, il n’est plus de jours
Qui ne résonnent des accents des troubadours.
Notes lancinantes de mélancolie
Qui s’égrènent et revêtent les amours évanouis
D’un manteau de nostalgie
Usé, rapiécé comme haillons de pluie.
Avant que ne les balaye le vent d’autan,
Gentes dames aux jolis minois,
Preux chevaliers, simples manants,
Tristes sires au regard sournois,
Dans la griserie de l’instant
S’adonnent aux jeux grivois
Egaux dans leur parure d’amants
Enfants d’Eve et d’Adam.
Château en Espagne
Carrefour du voyage,
Destination mirage.
Tes ruines transpercées
Accrochées aux rochers
Résiste Davalillo.
Vénérable Castillo,
Tout vibrant des mystères
Que me narrent mon père.
Sur le chemin rocailleux
Pas traînant, cœur silencieux
Alourdi de nostalgie,
De rêves enfuis.
Pèlerinage, ultime hommage
Avant que se referme le livre d’images.
Séduction
Elle a posé du fard sur ses paupières pour te plaire.
Souligné d’un trait de Khôl ses yeux
De saphir somptueux,
Ombré ses cils de rimmel,
Et que vos larmes s’emmêlent.
Damné son âme pour un regard
Amant prends garde !
De sa fureur, elle t’enivre
A ses desseins, elle te livre
Bonheur ou malheur
Toxique est sa langueur
De ta ruine, tu l’incrimines
A ses braises, tu te ranimes.
Damné ton âme pour un regard
Amant prends garde !
LE DISTRAIT
Nul besoin d'autrui
Il se suffit.
Dans son monde hermétique
La rêverie est divine.
Il erre en des sphères
Loin de la Terre.
Rien ne le dérange, il est ailleurs !
Vous voit-il ? Vous entend-t -il ?
Nenni !
Il voit sans regarder,
Entend sans écouter.
Rien ne le dérange, il est ailleurs !
Il monologue dans sa tête
Votre voix en fond sonore.
Parlez-lui
Pas trop longtemps
Il est parti !
Goujat, il semblerait !
Que nenni !
C'est un distrait.
Je ne crois plus aux mots des poètes
Je ne crois plus aux mots des poètes
Ephémères, inconsistants, au pouvoir trompeur,
Emergeant des transes surréalistes des rimailleurs
Qui n’ont de cesse d’haranguer les vers,
Solitaires en leur déraison
Juste bon à être déclamés comme oraison.
Je ne crois plus aux écrits vains
Qui magnifient le quotidien.
Et pourtant ! Bâillonnés
Ils n’en deviennent que plus exaltés
Bruissent dans la tourmente
Bravent l’interdit.
Et pourtant ! Epris de liberté
Ils écartent les barreaux des prisons
Colorent le désespoir
Transforment les maux en mots
Recréant un bonheur dérisoire.
Un jour, je serai ce que je veux.
J’embarquerai pour un royaume fantastique
Si mon navire ne se nomme pas Titanic.
Un jour, je serai encre de Chine ou d’ailleurs,
Plumes d’oie ou sergent Major
Adoubé en humble rimailleur
Pour t’enluminer mieux que trésors.
Un jour, je ne serai plus que pixels
A la merci d’un serveur infidèle.
Un jour, je serai Reine de Saba,
Te couvrirai de gemmes tel un nabab.
Un jour, je serai prose
Pour te servir Eros.
Un jour, quand je serai pinceau
J’estomperai tes rides, tes blessures
En éclaircirai les ombres, la texture.
Un jour, je serai ciseau
Pour découper ton âme
Et en arrondir le biseau.
Un jour, quand je serai sculpteur
Je cisèlerai ton cœur
Et tel Pygmalion, y insufflerai l’ardeur.
Un jour, je serai croix, de bois ou de fer,
Si tu me mens, tu vas en enfer.
Un jour, je serai ce que je veux,
Si je le peux ! Et si dieu le veut !
Qui suis je ?
Je suis celui qui voit tout, ne dit mot
Et réfléchit sans cesse.
Je suis celui qui, sans nostalgie,
Te voit grandir, vieillir.
Témoin impassible de tes humeurs,
Je suis impuissant à sécher tes pleurs,
Partager tes soupirs,
L’éclat de tes rires.
Mon tain d’argenture
Ne résiste pas à l’usure
De l’oubli, de la moisissure.
Impressions soleil couchant - Hommage à Claude Monet -
Suspendues à l’infini des cieux
Les nuées ouatées s’effilent
En rubans incandescents
Au déclin de l’astre carminé.
Pointillés en V accentué
Les messagers dans leur livrée de noirceur
Annoncent-ils le malheur ?
Les reflets mouvants
Tissent une robe diaprée,
Serpentins ondoyants
Qui s’effilochent sous le regard acéré
De l’artiste impressionné.
Echappées de la palette providentielle,
Les tonalités irisées sèment des arcs-en-ciel
Sur la toile vierge sacrificielle.
Mélopée extirpée aux affres créatrices
De la voluptueuse, extatique matrice
Où incube l’embryon du génie.